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« RÉDUIRE LA PRODUCTION, MAIS PAS LE REVENU »

30 000 € ont été investis pour mettre aux normes et agrandir la stabulation libre paillée : logement des génisses, suppression de l'ancienne aire de parcours extérieur, extension de l'auvent au-dessus de l'aire d'alimentation.

Laurence Marchadour et Francis Roy ont développé un système de production fondé sur la valorisation de l'herbe, économe en temps et efficace économiquement.

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ANCIEN MEMBRE D'UN GAEC À QUATRE ASSOCIÉS en Haute-Marne, Francis Roy s'est installé avec sa conjointe Laurence, à Questembert (Morbihan). Sur une petite ferme de 32 ha, loin des schémas classiques de l'agriculture industrielle et de ses gros volumes. « Notre priorité est l'optimisation des marges et la qualité de vie », explique le couple. Du 10 février à début décembre, les vaches sont à l'herbe. À partir du 15 mars, elles restent dehors jour et nuit. En décembre et janvier, elles sont taries et la traite est supprimée. Dix mois de l'année, un système de traite alternée a été mis en place avec des voisins pour le week-end.

Pendant dix ans, de 1995 à 2005, Francis a travaillé en Gaec. « Les objectifs des quatre associés hors cadre familial étaient partagés, souligne-t-il. Il s'agissait d'avoir du revenu et du temps libre. Les femmes travaillaient à l'extérieur. Avec 250 ha, 80 vaches en zéro pâturage et des cultures, nous avons atteint rapidement nos buts. Nous étions très bien organisés et, économiquement, ça fonctionnait. Trop bien même. Pour limiter les charges de MSA et les impôts, nous renouvelions sans cesse le matériel. »

« NOUS AVONS EU ENVIE D'UN MODE DE VIE PLUS SIMPLE »

Ce mode de gestion et certaines contraintes liées au fonctionnement du groupe (rythme de travail et horaires) ont commencé à peser. En 2002, la rencontre avec Pierre Rabhi, l'agriculteur philosophe, a été déterminante. « Avec Laurence, ancienne bénévole à l'association Artisans du monde, technicienne en production porcine à la chambre d'agriculture de Haute-Marne, nous avons eu envie d'un mode de vie plus simple et moins consommateur. » Le couple s'est alors mis en quête d'une « ferme de moins de 50 ha, avec moins de 200 000 litres de lait, un parcellaire regroupé et une habitation sur place ». Ils l'ont trouvé dans le sud de la Bretagne. Il y avait là 32 ha, 205 000 litres de quota, une stabulation libre et un cédant avec lequel le courant passait bien. Laurence et Francis n'ont en fait jamais produit la référence qui leur avait été allouée. Au mieux, ils ont livré 195 000 litres. « Notre priorité était d'être autonomes sur le plan fourrager et d'optimiser les marges. Nous étions aussi prudents. Nous avions besoin d'acquérir un savoir-faire en matière de pâturage et de connaissance des sols. Alors qu'en Haute-Marne, les terres n'étaient pas faciles à travailler, nous voulions voir comment, ici, elles réagiraient au climat, au sec. »

En 2006, un an après leur installation, ils ont entamé une conversion en bio, fondée sur la valorisation de l'herbe. Le contexte pédoclimatique s'y prêtait. Avec l'eau dans les prés, les chemins stabilisés et une vingtaine de paddocks d'un hectare en moyenne, la ferme était déjà très axée sur le pâturage, avec un peu de maïs pour sécuriser le système. Le parcellaire était très favorable, avec 25 ha accessibles au pâturage des laitières. Désherber le maïs bio n'étant pas simple pour eux, cette culture a été abandonnée au bout de quatre ans. Les concentrés ont aussi été supprimés. Depuis deux ans toutefois, du maïs grain acheté est distribué en mars-avril quand les vaches sont en début de lactation. Avec la ration faible en énergie, le TP est en effet un peu bas.

« Dans un système 100 % herbe avec des prairies permanentes de plus de cinq ans, tenir vingt-cinq vaches à 5 000 litres est un peu difficile, estime Francis. Avec les aléas climatiques, la flore constituée principalement de trèfle blanc et de ray-grass anglais se détériore. Nous introduisons de la fétuque élevée, plus résistante au sec. En 2015, pour la première fois, nous avons fait de l'enrubannage. Au-delà de l'inconvénient du plastique, c'est un mode de récolte très souple, qui donne un produit de qualité et assure un bon pâturage en juillet-août. Quelques parcelles de ray-grass hybride et trèfle violet plus précoces permettent d'étaler un peu les coupes de foin. » Les mois de mai et juin constituent la période la plus chargée en travail. Par contre, l'hiver est beaucoup plus calme.

« NOUS PARTONS À L'ÉTRANGER VOIR COMMENT VIVENT LES PAYSANS »

Du 10 décembre au 15 février, toutes les laitières étant taries, il n'y a plus de traite. Les éleveurs en profitent pour se reposer et partir en vacances. Pendant quinze jours, un couple de voisins vient distribuer le foin et surveiller le troupeau. Ils interviennent également une semaine l'été. « Nous partons au ski ou à l'étranger, histoire de voir comment les paysans vivent ailleurs, indique Laurence. Nous organisons nous-mêmes nos voyages, nous en discutons avec nos trois enfants âgés de 14 à 17 ans. » La suppression de la traite pendant deux mois demande de la rigueur dans la reproduction.

Les dix autres mois de l'année, un système de traite alternée pour le week-end a été mis en place. Avec les mêmes voisins. Les éleveurs se remplacent deux traites par week-end pendant sept mois, puis une traite à l'automne. « Avec 40 vaches en conventionnel à près de 7 000 litres, nos partenaires ont un troupeau plus important que le nôtre, précise Laurence. Pour compenser, Gilles, le voisin, fauche tous les foins. Il n'y a pas de banque de travail. »

« NOUS VOULONS MAINTENIR UN NIVEAU DE CAPITAL À REPRENDRE LIMITÉ »

Dix ans après leur installation, Laurence et Francis sont très satisfaits. Le prix du lait valorisé en bio est stable depuis trois ans : 430 €/1 000 litres, primes qualité comprises. Les achats extérieurs se réduisent à 5 tonnes de céréales et de maïs grain, et à un peu de paille. Côté matériel, le couple travaille beaucoup avec la Cuma de Questembert, qui dispose d'une large offre et de trois chauffeurs. Le chiffre d'affaires évolue d'une année sur l'autre entre 70 000 et 80 000 €, l'EBE entre 40 000 et 45 000 €. Chaque mois, 3 000 € sont prélevés. « Compte tenu du niveau de capital investi dans la reprise de l'exploitation, 100 000 € sans l'habitation pour deux UTH, la rentabilité est presque immédiate, notent Laurence et Francis, qui considèrent leur ferme comme une ferme d'avenir. Notre objectif est de maintenir, pour nos successeurs, un niveau de capital à reprendre limité. » Dans le berceau du bassin de collecte Biolait, Laurence et Francis ont trouvé un milieu ouvert où il y a encore une bonne densité laitière permettant l'entraide. Ils se considèrent comme des paysans heureux. « Dans notre système, la charge de travail est limitée, notent-ils. À 19 heures, si l'on n'est pas rentrés, c'est qu'on boit l'apéro quelque part, ou que nous sommes partis avec les enfants à la mer ! » Une fois par semaine, Laurence et Francis font du sport. Le samedi après-midi, Francis va voir les enfants jouer au handball. Il se libère également pour militer avec ses collègues de la Confédération paysanne, et s'impliquer dans ses responsabilités professionnelles. Il suit en particulier la commission départementale « agriculteurs en difficulté ». Disponibles l'été, les éleveurs prennent plaisir à accueillir les vacanciers dans leurs deux gîtes Accueil paysan. « Cette activité agréable permet d'avoir des échanges au-delà de notre famille et de partager des vies différentes. Notre jardin et notre basse-cour constituent un attrait pour les enfants des villes. » Cette façon de vivre le métier a donné à Gaëtan et Pablo, leurs deux garçons, l'envie de devenir eux aussi paysans plus tard.

« Il faut arrêter de capitaliser à outrance et de développer des outils de production non rentabilisables », estiment Laurence Marchadour et Francis Roy, qui vivent bien de leur métier sur une petite ferme (insistent-ils sur ce terme) conduite en bio.

Au pâturage, les vaches restent 2 ou 3 jours par parcelle. L'avancement quotidien du fil est une occasion de suivre de près la pousse de l'herbe. En pleine pousse en avril-mai, le troupeau tourne sur 10 ha.

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